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Je n’avais encore jamais consacré un article entier à un film… Ce sera désormais chose faite. Réellement happée par la nouvelle trilogie, il me fallait bien dire deux mots sur ce qui occupe une grande partie de mes journées…
Le dernier Star Wars est récemment sorti et, depuis, les avis sont plus que tranchés. J’ai eu l’occasion d’entendre, autour de moi, le pire comme le meilleur. Sans faire plus de mystères et forte de deux visionnages – bien que je ne compte absolument pas m’arrêter là – je le trouve très bien réalisé. Parfaite continuité des deux précédentes trilogies, il nous fait découvrir davantage concernant l’univers de la saga et ses personnages. Les deux heures vingt du film sont intenses et le démarrage bien plus rapide que pour le précédent, qui traînait parfois. Il se passe énormément de chose en un laps de temps relativement court – moins de trois jours – et un grand nombre de personnage est couvert. Je vais bien sûr essayer d’en divulguer le moins possible sur l’intrigue et en général, mais quelques précisions ne pourront que m’échapper… Si vous comptiez voir le film sans aucun spoiler, il est peut-être judicieux de remettre à plus tard la lecture de cet article !
J’ai adoré la façon dont le film s’est débarrassé de ce qui avait pu gêner dans le précédent, sans toutefois le nier. Il tourne gentiment en dérision ses propres travers et les assume. Le travelling sur le sabre des Skywalker avait été critiqué et la façon dont ils ont réussi à en quelque sorte, désacraliser le sacré – sans pour autant se montrer irrespectueux – a été un clin d’œil bienvenue. Cet opus entre en connivence et se dévoile doucement, par couches successives. Il est visuellement magnifique, avec des images soignées et un intéressant traitement des couleurs et principalement des contrastes – le 7 se portait sur quelque chose d’assez monochrome et de sombre, quand le 8 met en avant le blanc et le rouge.
Les jeux d’acteurs, en subtilité, sont en parfait accord avec le film, qui, en plus de porter la trace de ses prédécesseurs – dans sa structure comme dans des parallèles intéressants – a quelque chose de Georges Lucas. Les thèmes qui lui sont chers y ressortent particulièrement, liant définitivement la trilogie avec les prequels et maintenant sequels. Le travail, basé sur les croquis et idées du créateur originel de la saga, s’y veut vraiment fidèle et respecte son univers.
Parce qu’au final, Star Wars, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit du récit d’une famille, les Skywalker, prit dans une guerre galactique.. mais pas que. C’est aussi et surtout une histoire d’amour, un savant mélange entre les mythes et les codes des contes de fée, un très beau travail métaphorique et visuel. Il y est question d’identité, de se constituer hors de la sphère familiale – ou de s’en constituer une, de s’assumer et de s’épanouir. Chaque trilogie va vers une maturation, en tant que récit initiatique – à tendance hyperbolique – destiné à aider tout à chacun à trouver – ou à se forger – sa place.
L’univers autour est très riche, assez pour être approfondi, et va vers une sagesse commune. Quand il est évident que la tyrannie et que le « coté obscur » n’est pas une solution profitable, les sequels vont plus loin : vers l’équilibre. Les rôles types sont renversés : même en temps de guerre, que penser d’un héro montré plus meurtrier que l’antagoniste ? Les Jedi ne sont plus forcément des héros, chacun peut l’être. Il n’y a plus besoin d’être « spécial », de venir d’une certaine lignée pour pouvoir changer les choses. La jeunesse trop fougueuse apprend la sagesse et la patience, à faire confiance, en soit. L’erreur y porte aussi une place fondamentale, bien que pas nouvelle : les trilogies comportent plusieurs moments où l’intrigue ne bénéficie pas des efforts des personnages. Nous pouvons échouer, causer des dommages, mais la saga se veut optimiste : on ne peut pas forcément parvenir à nos fins du premier coup, il faut de la volonté, de l’entraînement, parfois et surtout de la solidarité.
L’arrogance est montrée pour ce quelle est : un prodigieux défaut qui peut se montrer fatal et toucher n’importe qui, y compris les Jedi.
Il est question de se libérer de ses peurs pour faire face au présent, d’accepter ce qui a été, sans pour autant oublier.
J’aime tout particulièrement ce qui nous est révélé concernant la Force. Quand le principe restait finalement assez mystérieux, il devient plus clair et surtout plus égalitaire : elle n’appartient à personne, est présente en tous et partout. Tout le monde n’y est pas forcément sensible, ou pas de la même manière, mais elle n’est plus réservée à une élite ou à une poignée d’élus. Plus important encore, elle est dotée d’une volonté propre, cherche activement l’harmonie et la paix. Autant dire que ni les Jedi ni les Sith ne vont dans ce sens. Ce huitième film entre dans le gris, dans un entre-deux plus que bienvenue : c’est la fin des dogmes et des conflits pour un véritable équilibre. La Force se régule, se développe d’elle-même.
Une théorie qui me plait beaucoup ? La Force se distribue équitablement entre les différentes parties. On sait que les Jedi Gris sont peu nombreux, le plus gros se joue donc entre le « côté obscur » et son alter-go clair. Or, tout au long de la saga, qui a été plus nombreux et donc régulièrement renversé ? Les Jedi. Cette idée expliquerait de nombreuses choses, notamment l’apparente facilité avec laquelle Luke puis Rey développent leurs aptitudes. L’harmonie, la vraie, durable et constante, ne se trouverait que dans un entre-deux d’un réalisme et d’une logique à toute épreuve. Les Jedi comme les adeptes du « côté obscurs » sont des types, des caricatures dignes de dieux d’autres époques : on ne peut ni chasser ses sentiments ni les laisser régner – l’avidité et l’égoïsme dicté par les principes Sith penchant vers quelque chose de particulier et de négatif.
Bien sûr, ce sont de formidables modèles ou figures, qu’on aime et auxquels on a plaisir à s’identifier. Seulement, face à des personnages complexes, tout en nuances, les catégories volent en éclat. Rey, bien que décidée à être du « bon » côté, a des accès de rage, utilise sa colère – comme un certain jeune Luke Skywalker ou bien entre autre Mace Windu. Elle se montre humaine, pleine de compassion mais aussi d’insécurités, de déchirures, ce qui en fait une figure encore plus intéressante. Comme Yoda, elle se sent plusieurs fois au bord de l’abîme, tentée par le « côté obscur ». Elle est somme toute faillible et ne s’embarrasse pas des conventions : indépendante, elle cherche ses propres réponses et commence à remettre en question les dogmes et à priori, se jetant presque littéralement dans la grotte, réceptacle et tentation du côté sombre. Elle n’en ressort que plus grandie, plus forte. Et si, au final, il fallait vraiment de tout ? L’épreuve ne la fait pas chanceler mais lui permet de se trouver, le côté obscur aidant là ou la lumière ne suffisait pas. Dans la trilogie originelle, Luke affronte ses peurs et s’en défait presque de la même manière…
De l’autre côté, Kylo Ren, un utilisateur du côté obscur mais pas un Sith. Il est clairement montré et dit en constante hésitation entre les deux côtés de la force, en souffrant, même. Bien qu’il soit davantage vu comme du « mauvais » côté de la Force, il connait aussi la lumière, s’en est même trouvé chassé, sa vie menacée de manière évidente mais aussi très cruelle. Toujours dans l’entre-deux et très rapidement approché par Snoke, le jeune Ben n’a jamais vraiment été seul ou aux commandes. Incompris, abandonné, son cas n’a pour moi rien d’étonnant. Plus encore, quand certains spectateurs se concentrent sur ses accès de rage ou son rôle au sein du Premier Ordre, on oubli le nombre de fois où il n’a pas tué. Poe, après son interrogatoire, aurait pu être déclaré inutile et tué… Finn, véritable traitre, n’a été que mi hors d’état de nuire – sérieusement blessé, oui, mais pas mortellement, et pourquoi ? Il se fait fort de ne pas blesser Rey, de se montrer même gentil et compréhensif avec elle. Il s’agit d’un très bon pilote, d’un utilisateur de la force doué, et d’un très compétent combattant. Il ne cherche cependant jamais à la tuer, même quand sa propre vie est en jeu : elle n’est pas plus forte que lui, dans leur premier combat à armes égales, non, elle est simplement déterminée quand lui ne cherche pas à lui faire de mal. Avec des buts si différents et un coup de pouce de la force, l’issue du combat est inévitable. Mais même après l’avoir blessé – acte dont elle semble elle-même surprise, elle ne le tue pas, quand les occasions ne manquent pas.
Je n’entrerais pas dans les détails les concernant mais les figures sont renversées et égales. En tant qu’équivalents dans la Force, l’image de l’homme dominant ne tient pas. Le personnage a même tendance à laisser à Rey son indépendance : il ne se sent pas menacé, accepte ses traits et est assez « masculin » pour briser les codes : lui aussi à des insécurités, des sentiments, et il sait les montrer.
Avec un tel portrait et tout un travail sur les codes de la saga, il n’est pas difficile de voir dans leur relation le renversement de la prélogie. Quand Anakin n’est pas sorti du côté obscur grâce à l’amour Padmé mais par l’amour familial, avec Luke, Han n’a pas pu l’aider… Excepté qu’ici les cartes sont brouillées. On ne peut pas changer quelqu’un ou le forcer à le faire. Le message est ailleurs : chacun doit travailler sur soi pour s’améliorer, se changer. Il est question de trouver la force et la volonté de changer les choses pour s’épanouir.
Les deux cotés de la force sont aussi dépassés, comme les deux protagonistes sont constitués de la Force dans son entièreté, déjà, puis par leurs propositions. Si Rey a l’espoir de faire changer de « côté » Kylo Ren, lui, voit au-delà de ses principes et ne cherche plus à la faire changer, l’acceptant véritablement telle qu’elle est. Quand elle avait tendance à se raccrocher au passé, lui souhaite le supprimer, l’annuler. Encore une fois, l’équilibre n’est atteignable qu’entre les deux. Il y a donc encore des évolutions à venir mais le travail de caractérisation des personnages et leur maturation est bien réalisée.
Le film dénonce aussi beaucoup de choses. Il s’attique à la maltraitance animale, à l’enrichissement par la guerre, au capitalisme aussi, dans un sens, mais surtout au travail des enfants : il va contre les dogmes, le monde et ses habitants ne sont ni parfaitement bons ni complètement mauvais.
Le personnage de Rose est, je trouve particulièrement bien introduit. Bien mieux que Poe, à mon goût – ce qui ne m’empêche pas de bien aimer le personnage. J’ai vraiment apprécié les enjeux qu’elle soulève et ce qu’elle représente, bien que l’ajout de cette petite romance n’ait pas été nécessaire. Bien sûr, Finn et elle se complètent plutôt bien et j’ai aimé leur dynamique, mais le fameux baiser de milieu de trilogie, bien que « traditionnel », m’a semblé précipité vu leur relation – bien que les circonstances aident aussi. Lors de mon premier visionnage, j’ai trouvé leur histoire plutôt naturelle mais avec le second, je n’étais plus tout à fait de cet avis. D’un côté, il est agréable que, pour une fois, les personnages principaux n’aient pas de romances entre eux ou de « triangle amoureux », c’est moins conventionnel, mais vouloir tous les mettre en couple est quand même un peu, disons, précipité et gros ? J’aime aussi beaucoup la relation entre Poe et Kaydel Ko, où il n’y a pas de signes d’ambiguïtés – mettre davantage en valeur l’amitié a du bon.
Si j’ai toujours vu Rey et Finn comme de bons amis – bien que lui ai certainement un coup de cœur pour Rey au début – j’aurais peut-être préféré plus de flou et d’ambiguïté concernant la relation de Finn et de Poe. Au final, chacun des personnages principaux masculins est poussé au changement par une influence féminine. Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose, mais le phénomène est récurrent. Personnages féminins qui, d’ailleurs, prennent le devant de la scène. Comme toujours, la saga présente des femmes fortes et indépendantes. Leia est enfin montrée comme une figure importante et forte de la rébellion dans cette nouvelle trilogie – je la trouvais effacée dans le 7, quand Holdo a un rôle presque clef et fait profondément évoluer Poe.
Pour me concentrer davantage sur les événements, je trouve le film bien construit, même si sa moitié est dense. Beaucoup de choses se passent en même temps, certaines scènes se voyant malheureusement entrecoupées. Ce passage est à mon avis très bien géré, même si quelques scènes plus « calmes » ou de transitions n’auraient pas été de trop à certains moments clefs. Le casino possède un beau décor et est bien ficelé, comme toujours, ce qui s’en dégage et le sous-texte me plait beaucoup. En parallèle, la « scène du trône » a été superbe. Un des meilleurs combats de la saga, avec une superbe chorégraphie et beaucoup de sens.
Un grand moment d’émotion : une séquence muette. Pour la première fois dans Star Wars, l’espace s’est fait silencieux. Les images étaient grandioses, une très belle conclusion des événements en cours pour aller vers la seconde partie du film, sur la magnifique planète Crait.
Parler sans trop en dire m’empêchant évidemment de prolonger mes impressions sur les événements, je vais m’arrêter là sur ce point et ajouter ma pensé sur des personnages plus secondaires.
DJ s’est révélé un nouveau personnage intéressant par ses prises de positions – ou plutôt, son manque de prise de position – vraiment dans le gris. Son traitement change de ce à quoi la trilogie a pu nous habituer, ce qui a du bon. On peut être déçu, oui, mais c’est tellement plus vrai et plus réaliste !
Concernant le Premier Ordre, deux figures que j’aime beaucoup : le général Hux et Phasma. Le premier m’a semblé avoir davantage de temps d’écran que dans le 7, bien qu’il ait plutôt été maltraité au cours du film. Adieu à la figure inquiétante et charismatique pour un homme moins en contrôle, frustré et bousculé. J’aurais apprécié de le voir disons, un peu plus respecté, son autorité se voyant plus que régulièrement contestée. Son traitement reste bon et le détail du blaster m’a beaucoup plu, j’ai véritablement hâte de le voir évoluer dans le neuvième film… J’ai beaucoup de théories et d’attentes le concernant.
Phasma a été brillante, très bien jouée – ce qui est loin d’être évident quand il n’est question que d’une démarche, d’une voix et d’un regard. Son combat est épique, véritablement génial et je suis persuadée que nous la reverrons, d’autres ont survécu à bien bien pire.
BB-8 n’est pas un personnage à proprement parler secondaire et il l’a bien prouvé : se montrant indispensable, plus inventif et débrouillard qu’R2-D2 par certains aspects. Un brin dramatique, peut-être, mais sans ses facétieux droïdes, que serait Star Wars ?
La saga est un système, il ne faut pas voir ses composantes de façon séparé mais dans son entièreté : si le film en lui-même est bien réalisé et plutôt bon, il n’en devient que meilleur dans la lignée des précédents. J’ai conscience d’avoir négligé de nombreux aspects du film, je ne pense pas pouvoir parler de tout et ne me trouve pas assez qualifiée pour tout décoder ou comprendre, loin de là. Avec toutes ses grilles de lectures, ce film n’est définitivement pas une suite « ratée ». Il est en parfait accord avec le reste de la saga et son univers et complète très bien ses prédécesseurs. Les messages et images qu’il porte sont aussi bons… J’ai énormément de mal à comprendre les mauvaises réactions que The Last Jedi peut engendrer. Un petit tour de ce que j’ai pu entendre de négatif, et ma petite réflexion sur la question.
Le traitement de Snoke d’abord. Il ne s’agit pas d’un personnage principal, juste d’un « vilain ». Dans la même veine, on sait peu de choses de Palpatine, au final.. Je n’ai pas été choquée par ce que j’ai pu voir – certaines théories prophétisent même un retour ; c’est au contraire plutôt censé pour moi. Il fallait passer par cette étape pour faire évoluer l’histoire et les personnages et leur laisser une marge de manœuvre.
Leia et sa connexion avec la force a aussi fait tiquer certains. En lien avec la théorie énoncée plus haut, la diminution du nombre d’utilisateurs de la force (du côté « clair ») entraînerait forcément une plus grande aptitude de chacun. L’idée de « poussée d’adrénaline » en cas de danger de mort est aussi plutôt plausible. L’idée la plus forte, pour moi, reste le fait qu’elle a senti qui avait ou n’avait pas déclenché les événements qui entraînent son utilisation de la force.
Même si la relation entre Kylo Ren et Rey a pu froisser, je n’ai vu que la continuité de ce qui avait été amorcé avec le septième film. Les déboires amoureux des Skywalker faisant partie intégrante de la saga, et croyant à une conclusion positive, en version inversée du couple originel, j’ai aussi beaucoup apprécié la direction vers laquelle tend le film.
J’ai adoré revoir Luke, et surtout la façon dont son personnage avait évolué. En presque trente ans et étant donné le peu d’informations que son entraînement Jedi lui avait laissé, j’ai apprécié son côté plus dur, marqué par les événements. Il est plus sage et lucide que jamais – quoiqu’en prise avec certains souvenirs qu’il souhaiterait modifier et oublier – et apporte véritablement quelque chose à l’histoire. Ses derniers mots, dans le film, sont un très beau clin d’œil à Han Solo.
L’ambiance de ce huitième opus était changeante, mais l’humour y avait une place importante. Certains moments comiques étaient peut-être convenus mais je les ai néanmoins trouvés efficaces, et surtout nécessaires. Le film étant assez lourd et sombre, un peu de légèreté a du bon. Dans la même idée, les Porgs ne m’ont pas déplu. Crées pour masquer les oiseaux vivants sur l’île, ils sont mignons et bien intégrés dans l’histoire, et me plaisent bien plus que les ewoks, cela va sans dire.
Après, oui, le film n’est pas parfait. Un des opus de la saga l’est-il ? On peut lui trouver des défauts, comme le manque d’imagination concernant les activités du casino, par exemple, mais il ne mérite, à mon sens, pas les mauvaises revues qu’il se voit attribuer. Plusieurs visionnages sont nécessaires pour en comprendre les nuances, et tout simplement pour le bonheur des yeux et passer un bon moment. C’est à mon sens une très bonne suite et j’attends avec impatience les prochaines sorties. Je pense pouvoir affirmer que le 9, en me basant sur ce qui est actuellement fait et en devinant certaines directions du film, devrait me plaire. Les jours et mois jusqu’en décembre 2019 vont se faire long, mais le contenu concernant la saga ne manque pas, et je compte bien augmenter mon nombre de visionnage de ce film…
Qu’avez-vous pensé du film ? Cet article vous a-t-il conforté dans votre premier sentiment ?