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Voici une nouvelle compilation de recommandations de lectures… Toujours axées sur l’inclusivité – et sur la magie. Ma logique : nous voulons découvrir de nouvelles choses par la lecture, oui, mais pas que. Il est important de se sentir exister dans la culture et dans ce qui nous entoure. Quand une partie de la littérature suit la norme et la majorité (blanche, cis, hétéro, au corps fin, sans handicaps et de culture anglo-américaine ou européenne) pouvoir lire et se rapprocher de quelqu’un qui nous comprend ou nous ressemble fait du bien, même si les ouvrages en eux-mêmes, si peu inclusifs soient-ils, ne sont pas forcément mauvais. Oui, pas besoin d’être validé pour exister. Mais ne pas toujours avoir à se battre et à subir l’invisibilisation et l’oubli général fait beaucoup, beaucoup de bien. À chacun et chacune de choisir ou non ses lectures en fonction. Pour le coup, par rapport à mes trois recommandations, je n’ai choisi que la première, pour changer d’horizon et découvrir un point de vue culturel différent de ce que je connais – et aussi pour l’histoire et le style, évidemment.
Je suis simplement ravie qu’il y ait de plus en plus d’ouvrages pour explorer la variété des possibles humains, contrairement à la majorité de ce qui était publié il y a dix ou quinze ans. Il est même maintenant possible qu’un livre soit inclusif, reconnu et popularisé, ce qui était rare avant.
Mettre en avant les personnes – pour le coup des autrices – qui montrent et créent des personnages variés, bien développés et ayant à cœur de représenter le monde dans lequel nous vivons réellement est un véritable plaisir. Quand les ouvrages sont en plus excellents… je ne peux simplement pas m’empêcher de les présenter. Si vous voulez en savoir plus sur le pourquoi du comment, je vous renvoie au premier article cette série, ici. Des suites sont prévues. De manière générale, je ne peux que vous conseiller, aussi, les recommandations (en anglais) de lectures de l’autrice australienne C. G. Drews (@Paperfury sur instagram), dont voici le blog.
Le thème de cette édition est dans le titre : il sera question de missions suicides et de quêtes réputées impossibles. Avec, ici, un accent sur des personnages issus d’ethnies et de cultures différentes. Dans les trois cas, concernant les missions, ce sera un peu plus précis, avec un vol à commettre. Pour le coup, à chaque fois, le contexte politique est assez important. J’en réserve davantage pour les descriptions des différents titres. Ma liste est, par hasard, progressive : je finis ainsi sur mon coup de cœur absolu de 2020. Un autre point positif, plusieurs des livres dont il est question ont été traduits en français !
Spin the Dawn (★★★★☆ – 4/5) par Elizabeth Lim, en 2019 (il n’est pour l’heure pas traduit en français), de la duologie The Blood of Stars.
J’ai été très intéressée par les thèmes du livre, entre politique, talent et apparences. Le traitement de la magie est, je trouve, particulièrement bien pensé et sert l’intrigue et le contexte initial – historique et plausible.
Une jeune femme, Maia Tamarin, met sa vie en danger en se faisant passer pour un homme pour tenter de prendre le poste de tailleur impérial, dont elle a toujours rêvé. Une compétition sans merci l’attend avec, en plus de machinations politiques et de mensonges, une présence magique inquiétante, qui pourrait l’avoir démasquée… Et la consigne impossible de créer de mythiques robes magiques pour éviter un incident diplomatique. Si elle ne parvient pas à les réaliser à temps, c’est sa vie et celle de ses proches qui sont en jeu, et une nouvelle guerre pour un pays déjà bien ravagé. Trouver les ingrédients pourrait s’avérer mortel et lourd de conséquences, si la réalisation en elle-même ne vient pas à bout de ses forces en déplaisant à la déesse Amana…
Le livre est inspiré par la culture chinoise et est assez poétique, par ses thèmes comme par son style. Le personnage de Maia, m’a de suite intéressé, avec sa petite taille, sont teint halé et ses taches de rousseurs – que les couvertures ne reprennent malheureusement pas. Marquée par les réalités de la guerre dont sa famille a subi le contre-coup, elle est pleine de volonté et ne manque bien sûr pas de talent. La narration est intelligente et bien réalisée et il y a ce qu’il faut d’informations pour que le pays, son histoire et des termes de vocabulaires précis soient compris sans perdre un lecteur non-initié. Les deux parties de l’histoire lui offrent un rythme intéressant, je ne me suis pas ennuyée et j’ai apprécié ma lecture.
White Cat (★★★★★ – 5 étoiles) par Holly Black, en 2010.
J’ai dû me retenir de dévorer cette trilogie d’une traite, et encore. Il y a de la tension, de la surprise et de l’humour : que demander de plus ? Si le monde se veut moderne, un ajout et non des moindres : une partie de la population a un « don », qui passe par le toucher. Tout le monde porte, en conséquence, des gants, pour éviter d’influencer les autres ou de se faire influencer. Il existe plusieurs variantes de ces pouvoirs, autour de la mémoire, de la mort, de la chance, des sensations et des transformations. L’utilisation des pouvoirs ayant été interdite en 1929, ceux qui y ont recours deviennent des hors-la-loi… Ce pourquoi avoir des pouvoirs est associé aux mafias familiales. L’intrigue, plus personnelle, est reliée à un contexte politique particulier : des mesures anti-« faucheurs » se discutent.
Le personnage principal, Cassel Sharpe, est bien le seul de sa famille – famille particulièrement liée au monde du crime – à ne pas avoir de pouvoir. Laissé de côté par sa famille et assez solitaire en pensionnat, sa vie prend un tournant particulier quand il se réveille sur le toit de l’établissement après une crise de somnambulisme…
Niveau représentation, il est question d’un personnage principal halé, métissé (entre l’Inde et l’Italie, selon les personnes à qui il parle) mais aussi des personnes qui l’entourent, de différentes cultures. Toute sa vie tourne autour d’arnaques et de jeux de hasard, et plus généralement les escroqueries auxquelles les membres de sa famille l’ont initiés. Il lutte contre un pan de son passé qu’il a oublié et cherche la vérité. Attention, beaucoup de résumés en ligne ont tendance à gâcher une partie de la surprise. Certaines révélations se font très tôt dans le récit, mais quand même.
Cette trilogie a été traduite en français sous le titre « Les Faucheurs », qui fait écho au titre original « The Curse Workers » (qui se traduirait plus littéralement en Les Faiseurs de Malédictions ou Les Travailleurs de Fléau, mais le titre français est tout aussi clair, sinon plus, je dois bien le reconnaître).
Six of Crows (★★★★★ – 5 étoiles) par Leigh Bardugo, en 2015.
Il s’agit d’une duologie, reprenant l’univers Grisha de l’autrice.
Une très bonne surprise : je suis un peu en retard sur cette découverte (comme bien souvent), mais après quelques hésitations – je craignais d’avoir trop d’attentes et d’être déçue – je ne regrette absolument pas ce choix de lecture. J’ai été émerveillée par le travail des personnages, la maîtrise du style, de la narration, du rythme et de la composition de l’histoire. Tout était merveilleux. Je me souviens m’arrêter entre deux chapitres pour relever combien la transition et les coupures étaient bien réalisées et suivaient l’action. Je n’ai pas cessé de m’extasier, cette lecture était un véritable bonheur. Bonheur que je prolonge en attendant avant d’attaquer le deuxième tome mais, Netflix mettant à l’écran l’univers Grisha au printemps, je n’ai plus d’excuses.
Pour présenter le livre en lui-même : il se passe dans un univers où les personnes qui ont des pouvoirs sont « grishas ». Selon les pays, ils sont enrôlés dans l’armée, tués pour sorcellerie ou bien utilisés pour des expérimentations. Il existe différents corps de métiers et spécifications, je laisse le livre vous les présenter. L’intrigue commence à Ketterdam, une ville portuaire commerçante, assez sinistre, avec un côté XIXe siècle / révolution industrielle, où tout se négocie et a un prix. La rumeur dit qu’un nouveau produit, une drogue, peut rendre les Grishas surpuissants… Mais aussi les rendre extrêmement dépendants. Kaz, le personnage principal, est un des plus hauts membres du gang des « Dregs ». Il accepte une mission à haut-risque (enlever un scientifique retenu prisonnier dans le royaume voisin Fjerda, au Palais des Glaces, dit imprenable) et va pour cela monter une équipe « de choc ». Le rythme est assez rapide, il y a de la tension, du danger, des risques et… Et les protagonistes sont de parfaits antihéros. Ils sont humains et attachants, par leurs émotions et traumas, mais possèdent aussi une moralité plus que douteuse. On les découvre au fur et à mesure et j’ai beaucoup apprécié la vivacité et l’effet « vrai » des dialogues et leurs différents liens. Il n’y a pas de temps mort et le roman entre directement dans l’action. Malgré cela, c’était ma première lecture dans l’univers Grisha et le livre est resté assez clair pour me permettre de le comprendre. Les personnages ont des passés, des corps, des cultures et des valeurs variées. Il y a Jasper, bras droit de Kaz et expert en armes à feu et très bon tireur; Nina, une sorcière Grisha maîtrisant les corps et les émotions; Inej, une espionne et combattante dite The Spider ou Le Spectre en français; Matthias, un ancien soldat Fjerdien emprisonné connaissant le Palais; puis Wylan, expert en explosions fuyant sa famille. Ils ont tous des choses à fuir, que ce soit leur passé ou leur présent. Ce groupe hétéroclite est plein de tensions et de conflits, vient à chaque fois faire douter le lecteur. Quelqu’un va-t-il trahir le groupe ? Cette mission est-elle vraiment faisable ? Sauront-ils y arriver sans s’entre-tuer ? Je vous laisse sur ces questions !
Connaissez-vous ces ouvrages ? Qu’en pensez-vous ? Avez-vous des recommandations à me faire ?