[Réflexions] Purification systématique : fin de la spiritualité et privilèges

A

Plus le temps passe et plus certains sujets me hérissent le poil. J’ai souvent l’impression que le racisme et les biais, le point de vue des dominants, de la « norme » ne pourra jamais être véritablement remis en question, qu’en sorcellerie aussi, le capitalisme a tout désacralisé, nous éloigne toujours plus de l’esprit, nous déracine. Quand je vois une remarque de plus sur la nécessité ou même le besoin, l’obligation d’utiliser de la sauge ou du palo santo, par exemple. Quand je vois encore et toujours que des concepts pensés « exotiques » ou « primitifs » deviennent en vogue et sont mentionnés à tort et à travers, qu’ils sont « adaptés » aux européens que nous sommes, souvent en se vidant de leur sens ou de leurs implications premières, au détriment des cultures et des personnes dont c’est l’héritage et la vie. Je sais bien que, souvent, c’est un manque de connaissance et de recherche, de l’innocence, peut-être un peu naïve, mais qu’on ne cherche pas à mal faire. Mais devant l’ampleur de la tâche, je m’épuise. Comment informer, « éduquer » ? Comment pousser les personnes à dépasser l’apparence, la première lecture, à entrer en recherche et trouver ses propres sources ? Ne pas savoir n’excuse pas tout, pas quand il est question de domination et de violence. C’est justement comme ça que l’on excuse un grand nombre de maux : le sexisme et le racisme pour ne citer qu’eux. C’est, une fois de plus, à nous de nous éduquer, de tenter d’apprendre pour mieux faire. Je passe encore par là, c’est un travail sur une vie. Se remettre en question, y consacrer du temps et de l’énergie, se renseigner, être curieux et surtout se montrer humble. Je ne détiendrais jamais toutes les réponses. Ni pour moi, ni pour les autres. Ce qui ne m’empêche pas d’essayer de diffuser cette urgence, ce besoin de faire ses propres choix, en conscience, de savoir pour ne pas suivre la nouvelle « norme » sans s’interroger, sans comprendre ce qui peut être en jeu. Ne pas voir, ne pas savoir, c’est le confort de ceux et de celles qui en sont pas directement concernés : c’est un problème de privilégié.es. Ce n’est pas parce qu’on ne subit pas directement les conséquences de nos actes et de nos discours qu’ils n’en affectent pas d’autres. Il n’y a pas qu’un point de vue, qu’une réalité. Et nos choix, nos achats, nos silences, nos paroles ont un poids. J’ai moi aussi fait des erreurs, je suis moi aussi en cours d’apprentissage. Mais je sais certaines choses et j’éprouve le besoin de rejoindre, de diffuser une réflexion qui a fait changer ma vision du monde, du sujet. Je pense ici beaucoup aux posts d’Occvltacrafts. Toutes mes références, sources et lectures seront regroupées en fin d’article. Il est inconfortable et déstabilisant de se remettre en question. Mais c’est aussi salvateur, nécessaire. Je ne cherche pas à pointer du doigt, à crier une sorte d’avance ou d’ « évolution » par rapport à d’autres personnes. À chacun, à chacune son rythme. En espérant que le temps vienne où il sera normal de tout mettre en doute, de ne pas se reposer sur une ou deux voix, sur ce qui est accepté et encensé. J’aimerais faire changer les choses, oui, j’aimerais une révolte, un bouleversement. Je sais aussi que ce n’est pas cet article, cette tentative de prise de conscience qui fera changer le monde. Alors, en essayant de se souvenir de l’humanité de tous et de toutes, en acceptant que l’erreur est humaine, voilà ma pensée sur le sujet. Au programme : questionner, remettre en question l’injonction à la pureté et à la purification. Développer mon point de vue sur le thème, les ramifications, conscientes ou non, dont il est question.

Ayant été influencée par la Wicca et les suites du mouvement New Age, j’ai découvert une grande variété de panthéons, de manières de faire, de disciplines, de plantes. Mais aussi, un seul mode d’emploi. La lumière, le pur, le propre, le sain, le purifié. Il n’y avait que cette boule de lumière, ce faisceau de blanc. Et si l’idée de cocon ou de protection me rassurait, elle a fini par montrer ses limites. Tout n’est pas soit tout blanc, soit tout noir. Et le « noir » n’est pas forcément mauvais. Les extrêmes, la dualité, la « polarité », ne m’intéressent pas. Je veux de la nuance, de la réflexion, quelque chose qui me parle, vraiment, qui soit plus réaliste, plus adapté à ma vie, à ce en quoi je crois. Et j’ai découvert un mode de pensée des « énergies » qui fuyait les esprits. La Wicca, qui rejette l’idée de diable et de démons Chrétienne – c’était logique – ne savait pas quoi faire des fantômes, des esprits. Dans un point de vue animiste, tout se complique. Parce qu’il n’est plus seulement question d’un méchant esprit frappeur ou du mauvais sort qu’une mauvaise sorcière aura lancé. L’animisme, pour faire très très court, est une philosophie de vie, un mode de pensée où chaque chose aura un esprit. Le vivant, mais aussi les pierres, le minéral, tout ce qui a une étincelle de vie et de « nature » en soi. Les humains, donc, mais aussi les animaux, les plantes et ce qui fait le monde et la nature. On comprend facilement qu’une plante ait un esprit, que ce dernier n’est pas forcément mauvais. La question de l’esprit (que je retrouve dans sa version anglaise dans le mot spiritualité), me semble évidée, creuse. Il y a aussi du gris, du neutre. Un couteau n’est pas mauvais parce qu’il peut couper. Un plant d’ortie n’est pas mauvais parce que l’on peut s’y piquer. Pareil avec les épines d’une rose ou bien avec une plante toxique. Ce n’est pas sa faute si l’on vient s’y frotter. Elle n’est pas responsable de son utilisation. Tout ne peut pas entrer dans le binaire et le manichéisme du bien versus le mal. La vie est bien plus complexe que cela. La nature aussi. Elle n’est pas que verdoyante et nourricière, protectrice et bienveillante. Elle est, simplement, à sa façon. Doit-on vraiment la juger, essayer de la réduire pour la faire entrer dans notre vision lacunaire et duelle de la vie ? Je ne crois pas.

Pour revenir à mon propos initial, la façon dont la purification est devenue systématique (de soi, de son espace, de ses outils, de tout ce que l’on fait entrer dans sa vie, de tout) me paraît problématique. Parce qu’elle sous-entend que le monde est sale. Qu’il a besoin d’être nettoyé et purifié. Je n’aurais jamais l’idée de purifier un bout de jardin ou une plante verte. Sommes-nous censés purifier la nature, notre nature, en nous ? Il ne semble pas y avoir de limite au phénomène, il faut absolument se protéger de cette énergie sombre, noire, négative. D’où vient cette peur ? Ce thème du monde comme souillure et dégradation, qui me semble empreint de l’idéologie chrétienne, par exemple ? Le monde est alors le temps des épreuves et de la tentation, du mal, avant de mériter sa place en haut ? J’ai beaucoup de mal à accepter sans remettre en question cette idée de nécessité. Je ne suis pas contre la purification, les rituels de protections, les fumigations, l’utilisation de sel, ou autres manières de faire. Ce que je remets en question, c’est la généralisation, la banalisation du phénomène. Déjà, dans ma pratique et étant influencées par la pensée de la sorcellerie traditionnelle, comment peut-on être sorcière, comment peut-on se protéger et bénir si l’on ne peut pas répondre et maudire ? En ayant bien sûr conscience de ses actes et en en acceptant les conséquences. Pour rebondir sur les thèmes évoqués, la nature n’est ni bonne, ni mauvaise. En se basant sur cette simple constatation, les esprits qui y habitent et nous entourent sont certainement plus complexes que cela. Des êtres avec des caractères, des envies, des sautes d’humeur et des individus plus malicieux, plus colériques que d’autres. Si on choisit de ne pas catégoriser toute la population humaine, pourquoi décider que tous les esprits, tels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, seraient mauvais et tenteraient de nous porter atteinte ? Cette peur constante, ce rappel de la protection insinue qu’il y a des raisons à cela : si c’est potentiellement le cas à un moment ou à un autre, je ne souhaite pas non plus généraliser, ne vaut-il pas mieux invoquer de la mesure et une étude de la situation ? Cette façon d’être me semble disproportionnée, sinon (attention, le mot est fort) paranoïaque. Tout le monde ne cherche pas à nous faire du mal. Les esprits, le monde, la nature non plus. Alors pourquoi cherchons-nous à ce point l’aseptisé ? Le problème est complexe et nuancé, oui. Il y a différents cas de figures. Pourquoi, donc, systématiser cet acte magique ? Surtout quand on regarde les outils en question : ils sont principalement exportés, amenés d’ailleurs. Du sel d’Himalaya, de la sauge (edit : je parle dans cet article de sauge blanche), du palo santo… Autrement dit des outils que l’on a fait venir de loin, qui ont traversé le monde, viennent avec du plastique et une empreinte carbone importante, et je ne parle même pas des objets en eux-mêmes. Pour ce qui est de la sauge et du palo santo, on sait que ces plantes sont originaires d’Amérique, qu’elles sont utilisées par les Amérindiens, et que leur utilisation intensive ici à des répercutions là-bas. Les concernés en pâtissent, nous utilisons des plantes sans apprendre à les connaître, sans rien savoir de leur histoire ou qui les concerne. Il faut juste en avoir, les brûler pour bien tout nettoyer, tout décaper et être en paix. Quand les plantes sont en voie de disparition, qu’elles sont volées aux personnes qui les font pousser et les utilisent dans leurs pratiques depuis des décennies (pour ne pas dire centaines d’années), que ces dernières ont été colonisées, spoliées, tuées, évangélisées de force, expropriées et j’en passe… Je grince des dents. Vouloir continuer à les utiliser malgré des messages des concernés, c’est abuser. C’est simplement entretenir et reproduire des dynamiques de domination, basées sur des génocides et des bains de sang, se servir de ses privilèges, faire de l’appropriation culturelle. Pas de recherches, pas de réel intérêt, pas de réflexions, c’est du rapide, du tout cuit, livré en 24H. Aucune connexion à sa géographie, aux plantes de sa culture ou de sa région. De l’apparence, de l’argent, du matériel : de la sorcellerie « plastique », donc, du capitalisme avec un joli ruban « spirituel ». Sauf que ce que nous faisons à des conséquences : le Conseil Wiccan (The Wiccan Rede) pour les concerné.es, le Karma pour d’autres, la conscience morale et la responsabilité individuelle pour tous et toutes. Je pense que vous voyez un peu plus où je me situe, et ce n’est pas encore terminé. Parce qu’il en existe évidemment, des alternatives européennes et locales, pour purifier ! Le Thym, l’Armoise et le Romarin, par exemple. Pas besoin de se ruiner, pas besoin de les faire importer, ils peuvent venir de chez nous et faire moins de mal. Le problème étant que la majorité ne les connait pas, ne pense pas à se remettre en question. Pourquoi le ferait-elle ? C’est, je le pense, en toute bonne foi que l’on conseille de la sauge ou qu’on systémise la purification, dans les ouvrages « pour débutants » par exemple ou quand on nous demande par où commencer. Cet article est là pour tenter de proposer une autre voie : l’écoute, l’étude. Vérifier qu’un nettoyage, qu’une purification est nécessaire. Ou proposer quelque chose de différent, de moins fort. Pour ne pas faire fuir ou abîmer les esprits qui nous entourent : ce serait bien la fin de la « spiritualité ».

Ma réflexion (il était bien temps de mettre les pieds dans le plat) se base sur la cartomancie, et la « règle » de nettoyer, de purifier son jeu à l’achat. Je l’ai moi aussi fait, évidemment. Parce que c’était la seule manière de faire, que c’était nécessaire. Mais pourquoi ? (Attention, j’y vais fort) Nettoyer les énergies d’un jeu imprimé en masse et assemblé par des enfants (par exemple) ne changera pas là d’où il vient. Nous, globalement, savons. Nous choisissons simplement quoi voir ou pas, où dépenser notre argent, notre énergie et nos pensées. Pourquoi cette peur de l’ombre, du mal, du « sale » à outrance ? Pourquoi rejeter en vrac, en masse l’achat de jeux de cartes « seconde-main », qui polluent moins et font, éthiquement, moins de mal ? Les esprits ne sont pas tous mauvais et, en cartomancie, c’est de l’esprit du jeu dont il s’agit ! L’accueillir en l’en chassant n’est pas ce qu’il y a de mieux (oui, si les énergies de l’objet vous déplaisent, faites-vous confiance, mais si et seulement si cela vous semble nécessaire). En cas d’objet historique ancien lié à des génocides ou à de grandes catastrophes ou des actes de haine, je peux comprendre ce besoin, oui. Mais pour un jeu qui n’a connu que l’impression, la fabrication et l’emballage, pourquoi se donner cette peine (les livreurs ne sont pas tous des démons, je vous rassure) ? Bon, je force un peu le trait, mais je pense que ce problème est réel. J’ai pu sentir la différence, au fil du temps. Comprendre de première main pourquoi ce jeu qui m’avait tant attiré et plu s’est avéré silencieux, voire apathique pendant des semaines, même des mois, après l’avoir purifié. Je pensais, naïvement, que ce laps de temps était nécessaire pour « forger la connexion », lier nos énergies et apprendre à nous connaître. Ce n’était pas le cas. Forcément, après du sel, de la fumigation, de la visualisation et que sais-je encore ! Le pauvre jeu était déboussolé, vidé. Je pensais bien faire mais je ne faisais que retarder notre collaboration, en considérant le jeu comme souillé, empreint d’énergies basses et effrayantes à faire fuir – ce n’était que lui. Ni bon, ni mauvais. Juste lui. Et, entre nous, pourquoi faire de la cartomancie, utiliser des cartes si ce n’est pas pour dialoguer avec autre que soi ? On dirait presque qu’il faut rationaliser et purifier une pratique sale. Sauf que les cartes, ce n’est pas tout blanc, tout rose ou quoi. Ce n’est pas simplement du développement personnel. Non, c’est de la divination, de la cartomancie, du travail d’énergie et un dialogue avec Autre chose, avec des esprits, selon ma pratique et pensée. C’est une pratique ancienne, avec une histoire. Qui a été diabolisée, humiliée, que l’on cherche à aplanir pour qu’elle plaise, pour qu’elle se vende, pour faire des chiffres. Elle restera, pour moi, une pratique à part, une sortie de la norme, la décision de se tailler une voie en quittant le sentier rassurant du social et de l’admis.

Une dernière pique, pour le plaisir, sur les notions d’appropriation culturelle, de domination et de racisme : cette recherche du pur à tout prix reflètent à mon sens (attention, je répète, ça va piquer) les angoisses et privilèges de personnes qui n’ont pas à subir une oppression réelle et systématique sur leurs pratiques spirituelles, de cartomancie et de magie – cette généralisation peut ne pas être vraie à tous les coups, je l’admets. Mais quand on a peur pour sa vie, que sa pratique peut conduire à la mort, par exemple, il y a d’autres choses à faire, à penser. Si notre véritable problème est de savoir comment purifier notre dernier achat… c’est pitoyable. Dans le cadre d’un tirage de cartes ou de l’acquisition d’un nouveau jeu, ne pas purifier ne devrait pas pouvoir nous porter préjudice, alors pourquoi répéter « bêtement » et de manière automatique ce procédé – dans le cadre d’un objet ancien, très animé ou de seconde-main, pourquoi ne pas visualiser les énergies jugées inopportunes pour choisir quoi purifier sans abîmer l’esprit de l’objet ? Le rendre obligatoire en vide le sens, peut jouer contre nous.

Alors, OUI, la purification peut être importante, voire nécessaire. Mais il faut aussi prendre du recul et s’interroger. Pourquoi sommes-nous en train de recréer, même dans l’ésotérique, dans la sorcellerie (donc le pas de côté, le sauvage et le danger, la nature contre le village et la civilisation) des normes ? Nous sommes tous et toutes différents. Nos pratiques le sont certainement aussi. Il n’y a pas une voie, pas une règle. Expérimentons, marchons à l’aveugle. Apprenons, découvrons.

Ressources :
– En Français :
terrorem.vitriol – DE LA PURIFICATION
terrorem.vitriol – DE LA PROTECTION
terrorem.vitriol – DE L’EXPLOITATION
elodie.rosewitch – D’où viennent les plantes que tu utilises dans ta pratique ?
elodie.rosewitch – Rappel : un rituel n’est jamais neutre, et c’est la moindre des choses que de se renseigner avant de l’utiliser.
jusquiame.pindura – la sorcellerie maintenant
jusquiame.pindura – sorcellerie et prophétie
Eric Fassin : « L’appropriation culturelle, c’est lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de domination »
Valiel Elentári : Comprendre la différence entre l’appropriation culturelle et l’appréciation culturelle
jusquiame.pindura : Réflexions de sorcière – « plastic witchcraft » et l’idée de « norme » en sorcellerie
jusquiame.pindura : Réflexions de sorcière – en sorcellerie aussi, le paraître prône-t-il sur l’être ?
– En Anglais :
occvltacrafts – smudging, palo santo, and cultural appropriation
occvltacrafts – what to ask yourself before magically cleansing or expelling
Occvlta – Cultural Appropriation in the Path of Poisons
Occvlta – How to Kill a Tradition: Appropriation in Current Esotericism and Spirituality
Blood and Spicebush – The Questions of Smoke: Burning Plants and Cultural Appropriation
Alex Fitzpatrick – Not For You: Cultural Appropriation in Neo-paganism and how Archaeology plays a role

Que pensez-vous de l’injonction à la purification ? Est-ce que cette pensée résonne avec votre pratique ?

Réflexions de sorcière – « plastic witchcraft » et l’idée de « norme » en sorcellerie

E

Le reflet de ma spiritualité.

Article inspiré par une publication de @de.brume.et.de.sève sur instagram, une sorcière qui a tout mon respect et mon admiration.

Cette période de confinement m’aura confirmé ceci : pas besoin d’une myriade d’outils et de ritualisation grandiloquente pour être un.e sorcier.ère.
Évident, non ?

Et pourtant, en ouvrant n’importe lequel des ouvrages dédiés que j’ai pu lire mes premières années de pratique assumée, ça ne l’est absolument pas. Il n’est question que d’obtenir encore et encore : pas d’accomplissements spirituels mais des pierres et cristaux, des herbes, de l’encens, des « outils indispensables » – toujours plus…
Où est le sacré dans tout ça ?
A croire qu’il est impensable de jeter un sort sans le trio encens-bougie-cristal correspondant. Société de consommation et spiritualité – une alliance contradictoire ? Ce phénomène a un nom : le « plastic witchcraft », une mode dangereuse pour certains, un titre offensant pour d’autres qui affirment leur surconsommation en matière de spiritualité.
Dans un culte de la nature, multiplier les actes nocifs envers celle-ci n’a clairement pas de sens. Bien évidemment, chacun.e est libre de faire ce qu’il.elle souhaite. Mais comment honorer la Terre-Mère avec des pierres arrachées de ses entrailles à l’autre bout du monde ? Avec un « outil indispensable » fabriqué sur un autre continent par des ouvrier.ères aux conditions de travail déplorables ?
Il est désolant que la sorcellerie, telle qu’elle est popularisée aujourd’hui, soit aussi axée sur le matérialisme. Aucun objet ne remplacera jamais dans un rituel volonté, intention et concentration.

Un autre problème majeur de la sorcellerie actuelle est la normalisation des pratiques : toutes pratiques considérées comme « déviantes », « dangereuses », « inacceptables » (autant dire ce qui n’est pas arc-en-ciel et paillettes ou encore sort-pour-obtenir-quelque-chose-d’inutile) sont méprisées et systématiquement « combattues » à coup de propos culpabilisants et hautains. Dès qu’il est question de mettre les mains dans la boue, plus personne.
Il en est tristement de même envers des pratiques traditionnelles (de minorités ethniques ou non) – en train de disparaître qui plus est.
Désormais la figure du.de la sorcier.ère doit être bien proprette et surtout ne pas être menaçante. Jeter des sorts à tout va en reniant toute pratique un tant soit peu agressive. En bref : être inoffensive et ultra positive.
Cette norme de sorcellerie « acceptable » aseptisée et tournée vers le profit et le gain matériel détruit la sorcellerie même. En réduisant les pratiques sorcières à une norme on bride totalement les sorcier.ères en les enfermant dans ce qui est considéré comme de la sorcellerie « correcte ». On fini par reproduire le même schéma que les religions orthodoxes (que certain.es fuient dans la sorcellerie) : une seule façon de faire et c’est tout. Où est la créativité dans tout ça ? Et l’authenticité ?

Vient la situation des « Aesthetic witches » où la spiritualité devient une image de surface bien jolie avec ses accessoires savamment disposés sur une publication instagram aux filtres à paillettes et hashtags racoleurs. Evidemment, il est tout à fait possible d’avoir un ensemble de pratiques spirituelles authentiques tout en se considèrant comme un.e « aesthetic witch ». Aucun mal à avoir un beau feed mais lorsque vouloir des « points sorcier.ères » devient plus important que de vivre réellement sa spiritualité, un vrai problème apparaît. Pour certain.es, flatter son ego en se mettant en avant en tant que sorcier.ère devient plus important, et même préférable, au travail spirituel profond.
Ainsi, nombre de pratiquant.es ne se reconnaissent plus dans la sorcellerie actuelle, réduite à une mode où le paraître et l’avoir prônent sur l’être, et décident de ne plus s’identifier en tant que sorcier.ère – ce qui est bien dommage.

Chaque individu sorcier.ère a une pratique qui lui est propre, sa propre spiritualité individuelle – liée à son vécu, ses ancêtres, ses Esprits locaux de la nature, ses entités, en soit une infinité de facteurs personnels.
Plutôt que de forcer des normes sur les autres pratiquant.es (des individus si proche de nous !) émerveillons-nous de leurs sorcelleries, si riches de sagesse et authentiquement eux.elles.

Je vous en prie, lorsque le confinement sera levé, ne nous jetons pas sur la surconsommation et réévaluons nos besoins.

Merci de m’avoir lue ! Souhaitez-vous que j’aborde certains thèmes en particulier ?