[Revue] Le Wild Unknown Animal Spirit Oracle

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Mise à jour du 03/11/2021 : Une traduction française est prévue pour le 4 Novembre 2021 sous le titre « L’Oracle de l’Esprit Animal – Sauvage et inconnu ».

Je vous présente aujourd’hui un autre des jeux de cartes en ma possession. C’est un des premiers oracles que j’ai reçu (après mon cher Belline), pour lequel j’ai encore beaucoup de tendresse malgré de grandes interrogations, que je vous partage rapidement. Il s’agit d’un oracle anglais, pensé et réalisé par l’artiste Kim Krans et édité chez HarperElixir.

Je ne sais pas, rétrospectivement, quoi penser du titre, ou de sa potentielle traduction française (l’Oracle des Esprits Sauvages et Inconnus ou l’Oracle des Animaux Sauvages et Inconnus dans les meilleurs des cas ? L’Oracle des Animaux Totems dans le pire ?). Si le concept du bestiaire est en soit innocent, je ne peux pas m’empêcher de grincer des dents quant à tout ce qui concerne les figures « totem » – il s’agit pour moi d’un terme connoté aux pratiques des différentes cultures amérindiennes qui, hier comme aujourd’hui, subissent de nombreuses violences et oppressions. Vulgariser et voler leurs pratiques, en plus de leurs terres et de leurs vies, me semble de trop. S’il était question d’une étude et d’une véritable curiosité, j’aurai beaucoup moins de problème avec cette notion. Sauf qu’ici, et comme bien souvent, on (je m’y inclus) ne prend que ce qui nous plaît de ces cultures, qui, je le rappelle, sont victimes de cuisantes injustices, dont on ne parle pas assez. En tant que culture native, elle a, entre autre, le souvenir et le poids d’un génocide à porter, subit aussi du racisme, des stéréotypes et des violences généralisées. La plupart du temps, on, donc, ne prend que ce qui nous plaît : le concept d’ « animal totem », les attrapes-rêves et la sauge blanche. Les idées sont creusées et vidées, ne portent plus leurs concepts de base : on parle ici non pas de l’âme de l’animal mais d’une potentielle affinité de la figure / de l’archétype de cette animal, censé nous représenter. Le concept de base, lié à l’appellation, n’est pas respecté, la pensée et la spiritualité qui y sont intégrées ne sont pas étudiées ou travaillées, il y a juste récupération et transposition dans un autre contexte de pensée d’un élément traditionnel, le concept étant lié à une pensée particulière, chamanique et animiste. Les termes esprits animaux ou animaux esprits (en traductions de « spirit animal ») portent eux aussi cette connotation amérindienne. Je leur préfère encore l’idée d’Animaux-Ombres ou d’Animal-Reflet (termes empruntés à Lyra Ceoltoir – vidéo ici). Il faut différencier l’idée d’animal-représentation de celle d’un esprit / d’un guide (ou d’un « familier »). Pour référer une fois de plus à la vidéo de Lyra, il y a aussi toute une hiérarchie des animaux : on souhaite être une panthère, une licorne ou un corbeau, pas un rat ou un moineau. Nos connotations et stratégies de dévalorisations du vivant relèvent, je le pense, d’une idée que l’on se fait de notre supériorité humaine. Les créatures qui ne nous servent pas ou ne nous semblent (esthétiquement) pas assez « nobles » sont alors considérées comme de la vermine à éradiquer. Sauf que, dans la pensée animiste, toute chose de la nature a un esprit, même le pigeon. Et il n’y a d’ailleurs pas que les animaux, mais aussi les roches et les végétaux. L’utilisation du terme « totem », donc, ne me plaît pas et je ne l’utiliserais pas, pour ses connotations d’appropriation et de spécisme. C’est un peu confus, j’en suis consciente – je voulais simplement partager ma réflexion pour expliquer mon point de vue et non seulement l’énoncer. Il s’agit de ma pensée, vous pouvez ou non la partager. Dans ma vision des choses, une réelle curiosité et des efforts de recherches peuvent justifier de s’intéresser à d’autres cultures. Il faut « seulement » se poser des questions, questionner sa démarche et ses sources. Il peut aussi s’agir d’un Guide ou d’un Esprit, alors pourquoi préciser ? Dans l’optique où certains esprits se transforment et possèdent plusieurs formes, c’est à mon sens encore plus abstrait. Le livret du jeu reprend rapidement ce thèle pour y apporter les idées d’humilité et de ne pas se restreindre à un seul animal ou à notre système de valeur humain. Comme ce n’est pas ici le sujet, je ne vais pas approfondir davantage la question – bien qu’elle le mérite. Les jeux de cartes ne sont pas à l’abri de refléter des clichés ou des méconnaissances, portent parfois des symboliques négatives et nocives. Dans le cadre des jeux animaliers, ils sont presque, de fait, systématiquement associés aux pratiques amérindiennes, souvent sans vraie réflexion ou questionnement. Ceci étant fait… Je reprends mon propos initial.

Cet oracle comporte 63 cartes animalières, organisées en 5 catégories : terre, air, eau, feu et esprit. Les animaux sont associés à leur type d’habitat ou à l’élément qui les représente le plus, sauf dans le cas des créatures ou figures de l’imaginaire, reliées à l’esprit. C’est un oracle détaillé et consistant, la plupart des jeux tournant plutôt autour des 40-44 cartes.

Chaque carte possède, dans le livret, une bonne page de notes, avec des mots-clefs, une description, des éléments positifs et négatifs puis une piste pour développer ou travailler cette énergie.
C’est un jeu édité, donc produit en masse, qui est toujours disponible à la vente pour 25-30€ selon les vendeurs.
Il est disponible dans sa langue d’origine, en anglais. Il n’y a pas encore de version française, mais le jeu précédent de sa créatrice a été traduit l’année dernière – j’ai bon espoir que cet oracle le soit aussi. Le niveau de langue demandé n’est, de mon point de vue pas si exigeant que cela mais il faut quand même pouvoir se débrouiller. Le livret est complet, avec une bonne présentation / introduction ainsi que des exemples de tirages (dont le tirage en deux cartes Chemin/Obstacle). Deux bémols : la police d’écriture, manuscrite, pourrait être petite pour certains, puis, et surtout, le fait que les animaux ne soient pas, dans leurs catégories (les éléments), classés par ordre alphabétiques et qu’il n’y ait pas de sommaire. J’aurai aimé avoir une précision ou une indication sur ce choix, qui, je l’imagine, repose sur le niveau d’adéquation avec tel élément de l’animal ou de leurs correspondances énergétiques, le premier étant le plus « faible » et le dernier de la catégorie le plus « élevé ».
Le tout est présenté dans une boîte cartonnée, dont j’ai fini par me séparer pour gagner de la place.
Attention, il y a beaucoup de contrefaçons sur internet. Je le précise puisque la qualité d’impression et de papier sera moins bonne, mais aussi par principe, les droits d’auteur et le travail de sa créatrice étant bafoués.

Les cartes sont cartonnées, assez épaisses, avec des dos plutôt simples (ils reprennent un motif d’écaille simplifié, en gris clair sur un fond blanc). Les côtés ne sont pas colorés ou métalliques. Elles sont mattes et de bonne qualité : elles ne se décollent pas malgré plusieurs années d’utilisations. Les cartes sont assez grandes mais pas trop, elles se prennent bien en main et sont simples à mélanger – elles glissent bien. Je regrette le fait que le dos des cartes ne reprenne pas le côté brillant et métallique du bandeau qui maintenait le carton de rangement et dont j’ai dû me séparer, mais c’est un détail.

Les cartes sont très évocatrices, entre aquarelle, encre et traits au feutre noir. Le côté « croquis » est très joli, le traitement du noir et blanc et des ajouts de couleur est aussi très agréable à l’œil. Kim Krans a un style bien à elle que je trouve très reconnaissable et très intéressant pour travailler la suggestion et l’intuition. Leur aspect minimal et sans fond travaillé permet de se concentrer sur l’animal et son élément, d’aller directement vers ce qui est pensé comme « l’essence » de l’animal en question. Les figures animales sont ici davantage perçues comme positives que comme neutres. Les interprétations et descriptions tentent de créer des archétypes et de penser les énergies de ces animaux, parfois en ayant plus de mal à s’éloigner des clichés ou des représentations (par exemple avec le dauphin), mais pas toujours. J’apprécie le travail opéré sur des figures plus négatives pour leur offrir un regard neuf, moins biaisé (la hyène, le requin, l’araignée, le vautour, etc). Il y a finalement plus de positif que de négatif, bien que chaque carte mette en avant ses aspects « positifs » et ses aspects plus « sombres ». Le jeu est très intéressant et est quand même bien pensé. Il faut aussi savoir que le jeu se base sur des pratiques et spiritualités diverses, en particulier sur des pratiques hindoues, comme le travail des chakras ou le yoga – principalement en tant que pistes de développement personnel et spirituel.

Les cartes sont assez douces mais justes. Elles ont, je trouve, quelque chose d’aquatique et d’intuitif : elles savent repérer les problèmes et mettre au jour des contextes ou énergies particulières. Ce jeu est, à mon sens, très bon pour s’ancrer et pour appréhender différemment le quotidien. Il est un très bon guide, peut-être plus dans le présent que dans le futur toutefois. Il pourrait peut-être être une introduction en douceur vers du travail de profondeur sur soi ou sur ses ombres, étant plus accueillant et tendre que d’autres jeux.

Que pensez-vous de ce jeu ?