[Réflexion] Energies, sacré, polarité masculine et féminine

A

Je vous retrouve aujourd’hui pour un article qui me pèse depuis quelque temps déjà. Ce n’est pas exactement ce que j’ai l’habitude d’écrire mais je me devais d’essayer. J’ai beaucoup entendu parler, comme la grande majorité, je pense, d’énergies féminines et masculines. De qualités aussi, d’attributs et d’affinités différentes. Ces pensées sont particulièrement présentes quand on parle de spiritualité, mais pas que. De nos jours, presque tout est genré. Pensé pour une catégorie particulière de public, ciblant des catégories bien précises de personnes, en fonction de critères stéréotypés. Un exemple du quotidien : le rose pour les filles, le bleu pour les garçon, mais aussi la danse pour les filles, les sports de combats ou de compétition pour les garçons. Evidemment, la liste s’allonge. Je ne vais pas rester dans le mondain pour préciser ma pensée.

Il y a supposément des énergies très différentes, que l’on retrouve dans tout et dans chaque personne. Jusque là, tout va bien, en tout cas pour moi. Là où je m’éloigne de ces idées (et où je commence carrément à grincer des dents), c’est quand on parle d’énergies féminines ou masculines. Parce que tout part du principe qu’on est ou homme, ou femme. En 2021, je pense qu’il serait grand temps de dépasser cette binarité. Si on accepte sans mal que chaque individu soit différent, comment nous faire entrer dans une boîte ou dans l’autre ? La majorité (Est-ce vraiment le cas ?) n’a peut-être pas de problème avec ces appellations, ce n’est pas le cas de tout le monde, quoi qu’on en dise. Il y a déjà ce point, et ce n’est pas tout. Je reprends : il y a supposément des énergies, que l’on retrouve chez tous les individus. Hommes comme femmes (et pas que). Ah. Ces deux énergies ont différents degrés, changent d’une personne à l’autre. Intéressant ! Ca ne dure malheureusement pas. Il est question d’énergies féminines, plus fortes chez les femmes. Et d’énergies masculines – je vous épargne le refrain. Bon. L’idée ne vous choque peut-être pas. Sauf que oui, il n’y a pas que des hommes ou des femmes. J’espère ne rien vous apprendre, mais tout est une question de nuance et de spectre. Il y a donc de nombreux cas où, non, cette étiquette et attribution de la société ne colle pas. Que le décalage soit discret, caché ou profond, il existe.

Mais ce n’est pas ça, me direz-vous, tu n’y es pas, il y a généralisation – voir mauvaise foi ! Attendons de voir. Les deux (ce chiffre fait déjà partie du problème) possèdent des énergies féminines et masculines. C’est bien ce qui coince ici. Qu’est-ce qu’une énergie féminine ? Ou masculine ? Les concepts, avec un peu de recul, sont incroyablement abstraits. L’idée de femme, l’idée d’homme, a été pensée par quelqu’un, on ne sait pas qui, on ne sait pas quand, on ne sait pas vraiment comment s’est venu ni pourquoi (pour classifier et organiser les êtres et « simplifier » les rapports ?). Ce sont des concepts qui ont contribués à instaurer une domination d’un groupe sur l’autre – vous savez, nous savons. Une énergie féminine, selon les sources consacrées, est douce, aimante, elle aide à croître, elle est fertile. C’est une mère, lisse, sensible et intuitive, tournée vers l’intérieur. La notion reprend le yin et le yang du taoïsme. La lune, sombre, face au soleil, lumineux – soit dit en passant, plusieurs mythologies, panthéons et cosmogonies possèdent une lune masculine et un soleil féminin ! Petit aparté : il existe, dans plusieurs panthéons, des dieux lunaires comme des déesses solaires. Dans la mythologie nordique, Máni est le dieu de la lune et le frère de Sól (ou Sunna), personnification féminine du soleil. Il y en a bien d’autres, dont Fati dans la mythologie polynésienne ou encore Sîn ou Nanna(r) en Mésopotamie. De la même façon, une partie des déesses lunaires était originellement solaires (ce qui explique le symbolisme solaire de plusieurs de leurs attributs : l’arc doré pour Artémis ou le disque solaire pour Isis) et les dieux, plutôt lunaires (comme Anubis) avant qu’un changement dans les représentations ait lieu.
L’énergie masculine, elle, est tournée vers l’extérieur, dans l’action, parfois dans l’agression, la protection. Ce qui me dérange ? L’image qui en ressort : l’homme fort, le guerrier, le chasseur, et la femme (sous-entendue faible, victime potentielle, incapable de se protéger et en danger), avec les enfants, l’art, les parures et les plantations, en bonne cueilleuse. Si je n’ai aucun problème avec l’idée d’énergie plus ou moins passive ou active, douce ou agressive, mon problème vient simplement de leurs noms. Je me lance : ces noms sont sexistes et stéréotypés, tout simplement.

Ils reprennent des idées que je trouve profondément problématiques. Ils jouent aussi avec ce qu’on attend de chaque genre (l’aspect social, l’étiquette, que l’on accepte ou non mais qui est apposée par la société, à ne pas confondre avec le sexe biologique ou de naissance, qui peut différer). Autre point : en reprenant l’idée binaire et réductrice qu’il y a homme ou femme, penchant-nous sur la langue. Il s’agit de mon appréciation des mots, que je souhaite objective mais, dans le doute, je reprécise que c’est ici mon avis, mes ressentis. Il y a donc féminin, qui englobe les femmes. Puis masculin, qui englobe… les hommes. Sauf que les deux termes ne sont pas neutres. Le « masculin » est… Il est lui aussi stéréotypé. Ce n’est pas aussi simple qu’une catégorie désignant les hommes. Il est genré, indique un certain type de comportement. Il est lié à la (on l’attendait) virilité. Qu’est-ce que la virilité ? Petit point définition, en prenant ce qui vient en premier sur internet, avec le dictionnaire en ligne Le Robert (à la date du 11/01/2021) :

Les premières définitions du bien nommé Trésor de la Langue Française (Informatisé)

Bon, je sais pas vous, mais pour moi, ça reste flou. Un homme, donc, c’est viril. C’est quoi, être viril, par contre ? Selon les définitions du Robert ou les nuages de mots de Synonymo, ce serait : être fort, puissant, énergique et actif sexuellement. Soit dit en passant, ces quatre traits ne sont clairement pas exclusivement relatifs au genre masculin. Pour les usages courants, ce serait plutôt une jauge, un baromètre, pour désigner les « bons » hommes (sous-entendu les vrais). Ceux qui ne contredisent pas les étiquettes genrées de la société. Ce qui induit qu’il y a de mauvais hommes (féminins, donc ?) et de mauvaises femmes, dites « viriles ». Une catégorie pratiquement fourre-tout qui vient régulièrement viser les personnes non-hétérosexuelles (qu’elles soient homosexuelles, bisexuelles, pansexuelles, asexuelles ou même d’autres choses) ou tout simplement qui ne sont pas cisgenres.

Examinons rapidement l’autre côté. Saviez-vous que « viril » avait, finalement, un équivalent ? Et non, je ne parle pas de « féminin ». Pour tout vous dire, je ne le savais pas non plus. Et pour cause, le mot n’a pas l’air d’avoir été utilisé après le XIXème siècle, il s’agit de « féminilité ». Le Robert ne le connait pas et apparemment Synonymo non plus, bien qu’il l’indique en synonyme de « féminin ». Je ne vais pas analyser en détail les deux tableaux, je vous pense parfaitement aptes à le faire vous-même. En bref : j’ai conscience que la grosse différence de nombre de mots entre « homme » et « femme » vient du côté pseudo neutre ou universel du premier. Cependant, ça ne change pas le fait que « féminin » reprenne un grand nombre d’injections de la société (pas moins de onze) pour trois termes assez neutres qualifiant la catégorie de la population plutôt que ses supposés attributs de l’autre côté. Là où masculinité regroupe deux valeurs précises, féminité propose trois termes flous ne caractérisant pas la population « femme » mais des mots utilisant la même racine. Pour le duo « virilité » – « féminilité », les images parleront d’elles-mêmes. J’ai conscience que Synonymo n’est peut-être pas le meilleur des sites, mais il reste représentatif : c’est un des premiers moteurs de recherches de synonymes proposé lors d’une recherche. Je ne tiens pas à faire plus que mentionner le scandale de début 2020 quant aux définitions de présidente, avocate et j’en passe du Larousse (mais pas que) en tant que « femmes de … ».

Pour essayer de me rapprocher de notre sujet initial, je ne peux pas laisser de côté l’idée de « féminin sacré ». Elle ne se pense pas ou très peu en dehors la fameuse idée de polarité ou d’unité sacré du couple. Ne vous en faites pas, je vais y revenir. En attendant, si je comprend les fondations et l’histoire de cette notion, elle peut aussi me faire grimacer. Pourquoi ? Petite explication : oui, le mouvement se veut positif et libérateur, apprendre aux femmes à s’aimer et à écouter leur « rythme d’êtres féminins ». Toutefois, il ne s’émancipe pas. Il essentialise toujours « LA femme ». Si apprendre aux femmes à s’apprécier et à puiser de la force en elle est vraiment génial et que je n’ai rien à redire sur la forme… Le fond est peut-être un peu différent. Je reproche aussi à l’idée de ne se penser qu’en partenariat avec le masculin sacré. Parce que oui, encore une fois, tout n’est pas soit l’un, soit l’autre, et même doublement. Je ne vais pas rappeler l’année, mais quand même. A l’heure actuelle, on sait plus que bien qu’il n’y a pas que des couples hétéros sur terre. Ceci étant dit, l’équilibre ou l’entretien de telle énergie dite féminine ou masculine à l’intérieur de soi me dérange, toujours parce que les noms sont chargés de stéréotypes sociaux dont ils ne cherchent pas à se défaire – ou alors pas assez, vu que ce que je vois est principalement rose, ou bien violet, avec tout ce qu’il faut pour entretenir la sensualité, la douceur, le calme et l’empathie des femmes. Sauf qu’une « femme », ce n’est absolument pas que ça. Une « femme » c’est un être humain, oui, comme les hommes. Ce sont des êtres avec des différences et des particularités, avec des émotions, des rêves et des envies. Oui, le plus gros vient de cette même société sexisme et inégalitaire, justement. Nous sommes conditionnés, c’est comme ça. Et s’il n’y a rien de mal avec l’idée de méditer, de faire du yoga, de boire du thé ou de se faire du bien, donner x activité aux femmes et y activité aux hommes, encore une fois, c’est assez limite. Tout est hypra genré et ça n’aide pas : c’est encore et toujours relié à ces idées d’énergies.
Autre point, et de taille : l’énergie féminine veut et doit fusionner, être compensée ou complétée par le « masculin sacré ». Il est peut-être un peu moins connu mais il existe bien. De quoi inspirer les hommes à se faire guerriers chaleureux et aimants, protecteurs et dont la seule aspiration est de combler la femme de leur vie. L’idée se veut, en tout bien tout honneur, loin de la masculinité toxique, rongée par l’insécurité, la colère, le sexisme du quotidien et les traces (bien présentes et non négligeables) du patriarcat. Sauf que, mine de rien, elle repose sur une dynamique patriarcale de domination masculine. De quoi dire que P (comme Prénom) est le mec du couple, qu’elle « porte la culotte » (le pantalon), qu’importe le type de relation.
J’y reviens : un homme n’a pas besoin d’être en couple pour être heureux (et pas forcément avec une femme) – l’inverse est vrai. Pas besoin de suivre les codes sociaux. Une femme peut se suffir à elle-même (ou non, ça marche aussi !). Pousser les gens à la binarité, les tanner pour qu’ils trouvent quelqu’un (fondent une famille, se marient, etc etc etc), on arrête, ça ne va pas. A chacun sa solution, à chacun son choix, sa liberté. En attendant, l’épanouissement ne se fait pas forcément à deux. L’épanouissement ne passe pas forcément que par l’amour (dans toutes ses formes, de l’attachement à l’Amour avec un grand A), ou pas que. Il y a la famille, les amis et j’en passe. Cette bulle, cette polarité… C’est moyen. S’il est certainement agréable de se penser en cocon fusionnel et « sacré »… Et bien pour moi, ça ne suffit pas. Rajouter des paillettes, un soupçon de bienveillance ou de respect sur des catégories sociales stéréotypés et néfastes pour chacun et chacune ne rend pas le tout plus digeste ou plus « sain ». Se considérer en individus sacrés et égaux (sur le papier en tout cas, la réalité en étant encore très loin), ça, pourquoi pas.

Après, j’accepte un type de féminin sacré. Je ne suis pas certaine qu’il tombe sous ce nom-là, mais peu importe. Parce que oui, pour continuer à briller et à garder cette flamme en vie après tout ce temps et malgré la difficulté, les femmes méritent une part de divin. Tout comme le masculin, qui souffre aussi de la hiérarchie et des codes des genres, y compris, bien sûr, ce qui est établi comme « viril ». Devoir entrer dans un moule préformaté qui ne veut pas plier, ce n’est pas une vie. Les minorités, les révolté(e)s, le méritent. Les autres aussi. Je ne vais pas confisquer leur sacré ou leur couronne aux adaptes du féminin sacré. Parce que c’est bien trop facile, bien trop courant, d’exiger la perfection des femmes. Parce qu’elles ont – nous avons – déjà donné. Et qu’il n’y aura pas de consensus, de voie unique. Parce que l’unicité des êtres, c’est pas tout à fait ça. Il n’y a que des choix, des infinités de possibilités, si nous pouvions seulement prendre un peu de recul, secouer quelques boîtes, remettre plusieurs choses en question. Et si le rose, la douceur et la beauté vous intéresse, homme comme femme, c’est tant mieux, c’est parfait. Quant à moi, ce qu’il me faut, ce que j’aime, je refuse qu’on me l’enlève – qu’on essaie seulement ! Alors je comprends. C’est le féminin dit « sombre », celui qui se révolte, qui refuse les qualifications et les injustices. La femme dans sa complexité, l’être humain dans sa création, sa douceur comme dans sa violence et sa colère. Parce que la femme est une guerrière, pas moins que les hommes. Il y a des femmes soldats. Il y en a depuis la nuit des temps, des femmes qui se battent, qui partent en guerre ou à la chasse. Tout comme les hommes. Et avec eux, souvent (pas contre eux). Le « conflit des genres » n’est pas une nouveauté de la décennie ou du siècle, une nouvelle lubie féminine qui doit ou va s’essouffler. Pour qu’il y ait apaisement, les femmes n’ont pas à « baisser les armes » et à « pardonner » (exit l’amour universel et le pardon christique, s’en est fini de tendre la deuxième joue, il faut non plus des mots mais des actes) : il faut accepter les individus et leurs différences, pas compter le nombre de cases qu’ils cochent dans le sens de la société. Ce n’est pas toujours aux mêmes personnes de donner. Pour qu’il y ait un apaisement, il faut que tous et toutes y mettent du leur, tout simplement. Et il faut que les choses changent.

En conclusion, pourquoi ne pas parler simplement d’énergies et, sur le chemin, éviter un binaire étouffant et non-inclusif, épris de stéréotypes et mal vieilli pour la nuance, le spectre, une notion qui embrasse la puissance de chacun(e), quelque soit son genre ?

Quelques références, en vrac, trouvables très facilement et gratuitement sur internet, pour le plaisir (de tout tons et formes) :

Spectacle Nanette – Hannah Gadsby (en ce moment sur Netflix France)
D’une « théorie du genre » qu’ils font semblant de mal comprendre… de Marie Donzel
Sexe et genre : est-ce la même chose ? – Egalités filles-garçons, Fédération Wallonie-Bruxelles
The genderbread person – itspronouncedmetrosexual
« Genre » : tentative de définition – çafaitgenre.org
Le sexisme, ça se soigne ! de Marie Donzel
« Il n’existe pas 2 sexes (mâle et femelle) mais 48 » par Agnès Giard
La théorie du genre (djendeure) par Insolente Veggie

Que pensez-vous de ces idées ?